Belgisch Historisch Centrum voor Scouting
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Dons d'objets et d'archives

Mathilde Jamar nait le 7 mars 1871 à Bruxelles. Sa mère, Mathilde-Victorine Papin, décède trois jours après sa naissance. Son père, Fernand Jamar, est un industriel fortuné, passionné de viticulture, directeur de la Banque nationale (tout comme le grand-père de Mathilde, qui en fut gouverneur de 1882 à 1888, après une carrière politique) et mécène (à l’instar d’Alfred Solvay, Georges Brugmann, Léon Lambert) de grands projets, dont la Cité scientifique du Parc Léopold de l’ULB.  Résidant dans l’hôtel particulier familial à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi 5-7-9, il possède une maison d’été « La Héronnière », dotée d’un parc d’une quinzaine d’hectaires à Boitsfort (13, bld du Souverain), dont sa Mathilde héritera [i]

Le 26 août 1889, Mathilde épouse Armand Morel, alors sous-lieutenant au 2e régiment des Guides, puis major (1910) et lieutenant-colonel (1913).  Le couple aura six enfants (Jean, Fernande, Andrée, Paul, Georgette et Pierre). 

La Première Guerre mondiale a durement éprouvé la famille Morel. Au début de la guerre, Armand Morel est lieutenant-colonel au 2e Régiment des Guides et prend très vite, comme colonel, le commandement du 4e Régiment des Chasseurs à cheval. Leur fils Paul, âgé de 19 ans, décède le 22 août 1914 dans les combats de Namur. Le 4 avril 1915, Armand Morel est relevé de ses fonctions de commandant de régiment. La famille ignore les raisons de sa disgrâce. Mis à la disposition du Ministre de la Guerre, il dirige alors un Centre d’Instruction militaire belge en France, à Dieppe. Puis, un arrêté royal du 3 août 1915 le nomme « attaché militaire de la légation belge à Rome et de mission au Grand Quartier Général Italien ».  A ce titre, il se rend régulièrement sur le front italien et fait venir sa famille à Rome, même s’il aurait aimé retourner au front belge. Pensionné à 53 ans le 19 avril 1917, il conserve sa fonction à Rome comme général-major de réserve jusqu’à l’armistice.

Après avoir établi une ambulance à son domicile de Boitsfort le 4 août 1914, Mathilde, voisine du docteur Antoine Depage, est appelée par lui en renfort à l’hôpital de l’Océan de la Panne, où elle arrive le 25 janvier 1915, en compagnie de sa fille Georgette après un voyage risqué [ii]. Elle assumera la fonction de « ménagère de l’ambulance » et arrive juste à temps pour y croiser encore Marie Depage, l’épouse du docteur, en partance pour les USA le 27 janvier. Elle y était probablement encore quand le monde apprit le torpillage du Lusitania au large de l’Irlande et le décès de Marie Depage, le 5 mai 1915.  A l’été 1915, elle rejoint son mari à Rome, où elle tente de faire venir ses filles, belles-filles et petits-enfants.

Peut-être découvre-t-elle le scoutisme masculin par l’entremise du docteur Depage, administrateur des BSB dès décembre 1910, ou via son épouse, qui traduisit et publia les premiers ouvrages du fondateur du mouvement et assumait les « relations publiques » des BSB d’avant-guerre [iii]. Ses fils sont-ils scouts, comme Georgette est guide à cette époque ? Ils ne figurent pas dans les listes de la 1ère troupe de Bruxelles de décembre 1911, mais ils ont probablement dû rejoindre le mouvement avant 1914, car à partir du 23 octobre 1913, Armand Morel est repris comme membre du Conseil général des BSB.  Il l’est toujours en 1919 [iv].

Dès 1921, sa propriété « La Héronnière » accueille les guides en réunion ou en camp. Elle-même s’engage d’abord comme commissaire du Brabant, est ensuite placée à la tête du département « organisation des troupes » comme « commissaire nationale » et succède enfin, en 1925, à la baronne Boël à la présidence du Comité exécutif.  Dans les faits, elle préside souvent aussi le Conseil général.  Elle est à ce moment-là également trésorière des GGB, fonction dont elle demandera d’être déchargée en mars 1941.

Sa fille Andrée Morel, épouse De Mot, prendra en 1936 la tête du Bureau, chargé de décharger le Comité exécutif des tâches administratives et exécutives [v]. La même année, les GGB feront d’elle leur « Chef-Guide », fonction qu’elle continuera à assurer pendant la Seconde Guerre mondiale.  Après la guerre, elle porte le titre de Présidente des GGB, laissant le rôle de chef-guide à Suzanne Scoumanne.

Déléguée des GGB au Congrès mondial guide aux Etats-Unis en 1926, elle est élue membre du premier Comité mondial lors de la création de l’Association Mondiale des Guides et des Eclaireuses en 1928. Elle servira à ce poste jusqu’en 1934, s’engageant aussi au sous-comité des Finances jusqu’en 1940, au-delà de son mandat au Comité mondial.

Elle porte bien son totem « Louve accueillante » : simple mais efficace, Louve met ses relations au service des GGB pour leur procurer des locaux d’association, mais aussi pour leur ouvrir des portes pour des Thinking-Day et autres événements.  Amateur d’art, elle préside le Comité des Dames, qui promeut le travail des femmes dans la production des arts décoratifs et les enseigne aux jeunes filles. C’est ainsi qu’elle ouvrira les portes de « La Héronnière » au Centre des Arts des GGB pour dévoiler aux Aînées sa collection de porcelaines, tandis que certaines de ses amies leur ouvrent à leur tour leurs collections d’art. « Sa générosité et son tact, son intelligence claire et sa bonté, son esprit précis et son charme faisaient d’elle un chef écouté et aimé, aussi Mme Morel a-t-elle vite acquis une influence prépondérante dans le guidisme belge et dans les réunions internationales où elle a rendu d’éminents services non seulement par ses avis judicieux mais aussi par l’amitié et les encouragements qu’elle prodiguait aux jeunes, par la compréhension avec laquelle elle recevait les idées nouvelles. »

« Sa bonté aussi était agissante, et allait d’un simple geste – la cruche de cacao bouillant envoyée au terrain de camp après une froide journée de pluie – aux dons les plus généreux : la boucle de ceinturon au trèfle international rapportée de Suède et offerte à chaque guide en ce 22 février 1937… » [vi] . Le Fonds Madame Morel perpétue sa mémoire en permettant à des GGB de participer à la vie internationale du mouvement guide.  Et dans la Forêt de Soignes, la Drève de la Louve perpétue son totem.


[i] Alexandre Jamar, grand-père de Mathilde, est membre de la Chambre des Représentants pour le parti libéral depuis 1859, ministre des travaux publics en 1868, puis directeur (1870) puis vice-gouverneur (1877) et gouverneur de la Banque nationale (1882-1888). Le père de Mathilde se remariera avec Marie Nerinckx et ils auront une fille Fanny Jamar, qui a trois ans de moins que Mathilde.

[ii] Daniel Vanacker (éd.), op. cit., p. 111. Se donnant comme commissionnaire en dentelles, elle a obtenu, pour toute la Belgique, un passeport valable pour un mois. Partie à 6 heures elle espère arriver, de tramway en vicinal, avant la nuit close à Maeseyck.  Là, elle tâchera d’obtenir un passeport pour la Hollande.

[iii] Henri Depage, La vie d’Antoine Depage, Bruxelles, 1956, p. 81 et p. 189.

[iv] Jean-Luc Herrin, op. cit., tome 1, p. 169 et p. 270 ; tome 2, p. 194.

[v] CHBS, Fonds GGB, 15, Conseil général du 22 février 1936.  Il se compose d’Andrée De Mot, Ada Cornil, Phylis Wiener, Mlle Van Gend.

[vi] Sois Prête, janvier 1937, pp. 271-272. Ada Cornil, Council Fire, July 1953. Ada Cornil, « Adieu Louve » in Le Cèdre, février 1953. GGB, Amicale des Anciennes, Fin de Piste, novembre 1953, n° 2.

(c) Sophie Wittemans/CHBS. 
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